Bref historique

 

En dix siècles, les danseuses orientales ont conquis le monde.

 

Les Tziganes arrivent en Egypte au 10e siècle, chassés d’Inde par la famine. C’est un pays d’accueil festif dont ils peuvent aisément récupérer les danses pour leurs spectacles de rue. Des danses qui viennent de loin et commencent en un temps où les sociétés ne voyaient pas dans la sexualité féminine une menace à l’ordre public. Les danses de la fertilité, de l’amour et de la puberté, propres au paganisme et aux sociétés matriarcales, sont désormais enfouies sous la réprobation des sociétés patriarcales imposée par les nouvelles religions monothéistes. Sous prétexte de distraire le peuple, les Tziganes vont habilement les faire ressurgir.

Deux groupes de danseuses vont se distinguer au fil du temps. Les Ghawazi (Tziganes) qui dansent pour tout public, parfois affiliées à la prostitution, et les Almées (Egyptiennes) qui ne se produisent que devant des Femmes. Les premières poseront toujours problème. Lors de la campagne napoléonienne de 1798, 400 Ghawazi sont décapitées et leur corps jetés dans le Nil pour avoir tourné la tête aux grognards de Napoléon.

En 1837, le roi Mohamed Ali fait interdire la danse, accusée de nuire aux traditions et aux bonnes mœurs. Grâce à l’arrivée d’une nouvelle clientèle, les touristes, l’interdiction est levée. Au milieu du 19e siècle, un style l’emporte sur tous les autres : le « baladi ».

Progressivement, la danse entre chez les particuliers et dans les cercles aristocratiques. Shafia el-Coptia devient célèbre pour ses représentations dans ses salons particuliers. Ainsi, les costumes évoluent vers de nouvelles tenues plus féminines : une robe légèrement transparente recouverte d’un gilet cousu de fils d’or.

En 1895, de nouveaux débordements liés à l’alcool, à la prostitution et une nudité excessive poussent les autorités à interdire la danse en public. Mais après un long procès spectaculaire opposant les tenanciers de cafés aux intellectuels égyptiens, la danse est de nouveau autorisée.

Au début des années 1930, de nouvelles Almées vont surgir des bas-fonds pour se regrouper rue Mohamed-Ali. C’est là, désormais, qu’on les recrute pour les fêtes et les mariages.

L’arrivée de la variété, du cabaret et du cinéma va profondément modifier la danse. Au même moment, une femme jouera un rôle déterminant : Badia Masabni, à qui l’on doit l’invention du « raqs-el-sharqui », le solo féminin. Cette actrice de théâtre sans talent se reconvertit dans l’organisation de spectacles et ouvre un cabaret luxueux « Le casino Opera » où de jeunes artistes élégamment vêtus vont se produire.
Les immenses chanteurs Farid el-Atrache et Asmahan y feront leurs débuts. A cette époque, la danse tient aussi une place importante.

Sous la direction d’un chorégraphe de génie, Isaack Dickson, les rythmes orientaux sont mélangés à ceux de la Rumba, de la carioca et du Jazz, façonnant un nouveau style : le «sharqui». Émergent les deux plus grandes danseuses que connaîtra le cinéma égyptien : Tahia Carioca et Samia Gamal. On y inaugure le solo féminin, dit « raqs-el-sharqui ». Nouveaux rythmes, nouvel emploi de l’espace, nouvelles postures et surtout nouveaux costumes, strass, paillettes, soutien-gorge et jupe basse : la danse orientale moderne est née.

Les producteurs de cinéma se jettent sur l’occasion et ouvrent conjointement l’âge d’or de la danse orientale et du celui du cinéma égyptien propulsant vers le succès Tahia Carioca, Samia Gamal mais aussi Naima Akef, actrice et danseuse qui apporte une rigueur technique à cet art grâce à son frère, Ibrahim Akef, le plus grand chorégraphe que la danse orientale est connu qui saura élever cet art au plus haut. Il leur a tout donné, à toutes. Pas une danseuse n’omet de saluer son humilité, sa gentillesse et l’élégance des mouvements qu’il leur a enseigné. C’est une légende de la danse orientale et un pan tout entier de l’histoire artistique de l’Egypte.

Jusque dans les années 1960 où la production cinématographique va décliner, les comédies musicales sont couronnées de succès et rendent célèbres de nombreuses danseuses dont Suhair Zaki, Nagwa Fouad et Fifi Abdou.

Dans les années 1970, la télévision remplace le cinéma en diffusant de nombreux films, sans pour autant en produire. Le ressassement des anciennes stars occulte l’arrivée des nouvelles dont Dina.

Aujourd’hui, la danse orientale fait l’objet d’un engouement extraordinaire de la part des Occidentaux. Les Egyptiens seraient bien inspirés de regarder avec quelle ferveur et quelle rigueur on la pratique à New York, Sao Paulo, Paris et Tokyo, car il se peut que ce soit là qu’elle trouve son nouveau souffle …

Vivent actuellement en Egypte, parmi les chorégraphes les plus réputés, Rakia Hassan, une businesswoman qui a su mettre à profit l’extraordinaire engouement des étrangers pour cette pratique et Mahmoud Reda.

Depuis la mort d’Ibrahim Akef, Rakia est la professeure de danse la plus sollicitée d’Egypte. On vient la voir du monde entier.

Le chorégraphe Mahmoud Reda donna dans les années soixante dix, une stature académique à la danse égyptienne. Ses atouts : bannir la nudité, sortir la danse du cabaret, élever le niveau culturel des danseurs, travailler l’expressivité, rompre avec le solo et mélanger hommes et femmes. Son « Reda Group » a formé toutes les danseuses en leur apprenant le folklore égyptien dans toute sa complexité, mais épuré de toute sensualité excessive. Il anime plusieurs stages à l’étranger.